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Au fil de l'eau

Au fil de l'eau

" L’enquêteur-ice sauvage dans un Liban muet : Le « je » en jeu " 

- Lara Mroué

Introduction

 

Marquée par l’assassinat de mon grand-père, Hussein Mroué, figure intellectuelle et politique communiste[1], qui a eu lieu le 17 février 1987 dans son appartement (dans lequel j’ai habité avec ma famille après la mort de mes deux grands-parents, jusqu’en 2020), j’ai lancé ce projet enquête-performance en 2016, environ trente ans après le crime dans le cadre de ma thèse de doctorat en Arts plastiques intitulée Le corps comme document. Enquête sur un fait de guerre civile. J’ai présenté ma performance Si vis pacem, si tu veux la paix…, en 2022 dans le cadre de cette thèse soutenue en février 2022 au Théâtre de la Cité internationale de Paris. Celle-ci reconstitue et représente les investigations lancée ces cinq dernières années autour de l’assassinat de mon grand-père. Ce crime, parmi tant d’autres au Liban, n’a pas été élucidé.

Cet article témoigne et reconstitue les investigations mais aussi le déroulement de la performance, qui n’est qu’un reenactment[2] de ce long travail qui se base sur les archives, les témoignages et le travail in-situ.

Préparation du terrain. Ouverture des rideaux.

Aucune enquête officielle judiciaire n’a été menée au moment des faits. La justice n’est pas passée. Silence.

Issue d’une famille atypique, musulmane chiite et communiste, je me suis retrouvée à rassembler une à une les histoires de ma famille et de mon pays. Contrairement à mon père, Souhban Hussein Mroué, qui a choisi de rester en retrait pour vivre son deuil et s’occuper de ses filles (ma sœur et moi-même), ma mère, Azza El Horr Mroué est devenue une icône au Liban. Décédée en décembre 2018 suite à un long cancer, elle a été présidente de la Ligue des droits des femmes libanaises. Engagée dans les rangs du communisme, elle a été également une fervente défenseure des droits humains. J’ai donc hérité de ma famille son engagement politique. J’ai compris dès le plus jeune âge que mon grand-père avait été l’un des fondateur-ices du Parti Communiste au Liban. J’ai passé mon enfance à chercher les documents à l’origine de l’assassinat de mon grand-père. Il a été tué justement le jour où il allait commencer la rédaction[3] du troisième volume de son ouvrage : Tendances matérialistes de la philosophie arabo-musulmane[4].

Sachant que je n’avais aucune idée de la manière dont je pouvais mener une enquête et ne possédant aucun document ou trace du crime, je devais avoir recours à d’autres pratiques ou méthodes pour reconstituer ce fait à partir de « rien ». En tant qu’artiste, je me rapproche de la pratique de la reconstitution (reenactment en anglais, c’est-à-dire, la répétition, des faits du passé dans un dispositif artistique actuel que nous appelons performance se basant sur des techniques d’ «intermédialité»[5]). J’ai donc reconstitué le passé dans le temps présent à travers la performance présentée depuis 2022 au Liban et en France. Cette pratique m’a procuré de multiples outils d’investigation afin d’imaginer et de me projeter dans cette histoire qui n’a pas laissé de trace.

En découvrant l’ouvrage d’Aline Caillet L’Art de l’enquête[6], je me suis projetée un peu plus dans la manière de mener et de penser cette enquête. J’ai retrouvé des explications et des réponses aux méthodes ou choix auxquels j’ai adhéré ces dernières années. L’art permet-il d'explorer des espaces alternatifs offrant la possibilité de rompre avec les lois et les frontières imposées par le gouvernement libanais ? Je me retrouve face à une enquête qui essaie de traquer la ou les « vérité-s » sans vouloir aboutir à une fin ou à un résultat défini. L’objectif n’est pas de retrouver le meurtrier, il n’y a aucune énigme dans cette affaire. Vous vous demanderez : pourquoi avoir entrepris ces recherches si ce n’est pas pour « confondre » l’assassin ? Cette enquête que nous avions qualifiée de « terrain » (Caillet 26) à l’origine, s’est transformée en un dispositif artistique pour lutter contre le silence et défier le système ancré ou enraciné dans la société libanaise. Ce dispositif repense le social, le politique et le corporel et élabore des jeux de scénarios et de vérités en tant que « pratique de pouvoir » (Caillet, 28).

Donc, l’idée est de pratiquer cette enquête tel un rituel et arracher par force notre droit à ce jeu de pouvoirs. Il fallait m’imposer et m’approprier ce droit tout en transformant l’art en un terrain d’affrontement. Puis-je essayer d’empêcher les pouvoirs politiques (et religieux) concernés de contrôler le « savoir » ? Ce travail tente de décentraliser la ou les vérités afin de la ou les penser avec un regard critique et retrouver ce qui échappe au « savoir » institué par ce gouvernement. Considérons l’enquête comme l’ensemble des pratiques qui prennent action : « Investir un terrain, arpenter un territoire, effectuer des prélèvements, collecter et exploiter des archives, recueillir des témoignages ou encore produire des documents » ( Caillet 15). Quand tout le monde m’a conseillé de réaliser un documentaire sur Hussein Mroué, j’ai choisi l’enquête comme une forme de performance. Considérant qu’il existe une différence entre les deux pratiques et que l’enquête est « un mode de révélation et de décryptage d’une réalité ignorée » (Caillet 15), je me suis intéressée aux modes de révélations et de décryptages qui amènent à reconstituer un fait spécifique.

La réalité ignorée ne me préoccupe plus. Évidemment, j’utilise les modalités du documentaire (capture et enregistrement   des différentes recherches ou témoignages comme outil de travail et non comme une fin artistique). Je ne suis ni journaliste ni détective mais j’emprunte les méthodes relatives à ces deux métiers afin de les appliquer à celles de l’enquêteur-ice pour ensuite établir une recherche de terrain. L’enquête mise au service de la performance (ou l’inverse), n’est plus un outil mais un dispositif en soi. Peu importe les réponses émanant de ce travail, ce sont les méthodes investies qui comptent. Cet espace performatif se transforme dans ce sens en un terrain politique et scientifique qui remet en question les méthodes et les savoirs. En se basant sur le déchiffrement de trace, je transforme la trace en empreinte :

 

« Déchiffrer des traces, c’est être capable, à partir ‘de faits expérimentaux’, de remonter aux phénomènes non directement expérimentables qui en sont la cause. Le paradigme indiciaire, en ce sens, propose un modèle qui articule ordre du visible et de l’invisible, ordre de la perception et de la connaissance induite. On peut appeler déchiffrement l’opération qui permet le passage de l’un à l’autre. Il convient toutefois de clarifier ce terme de traces pour bien comprendre en quoi consiste cette opération. D’une part, le paradigme indiciaire- fondé sur un modèle rétrospectif de la connaissance (inférer à partir des effets) s’appliquant prioritairement à l’histoire et aux disciplines diachroniques – pourrait inviter à une conception de la trace comme empreinte ». (Caillet, p.85)

 

Ses paroles m’encouragent à trouver une trace par le biais de l’enquête pour marquer une empreinte à travers la performance et ainsi transmettre et partager ce qui n’est plus visible (le fait, le corps, les témoins etc.). Le « déchiffrement de la trace », une pratique à partir de laquelle ces deux notions deviennent indissociables et dépendantes l’une de l’autre, nous renvoie à « la dialectique du visible et du non visible ». Le « déchiffrement de la trace » pourrait-il reconstituer l’invisible en produisant une vérité probable ?

 

 

I. De l’in-situ à la performance : de l’intime au public

 

Ignorant ce que je recherche, je me lance dans cette quête de la trace susceptible de se transformer en une « contre-enquête » créant des « frictions » ou au contraire des « jonctions » (Caillet, p.26). Je commence à collecter des informations sur ce fait de guerre mais aussi sur des événements historiques reliés à toute une série d’assassinats commis pendant la guerre civile notamment la fin des années quatre-vingt. Pour quelles raisons tous ces intellectuels ont-ils été éliminés ? Le Liban est l’un des pays arabes qui prétend défendre la liberté et la laïcité ; mais il demeure contrôlé par le pouvoir religieux. Nous parlons de dix-sept religions aveuglées par les mêmes principes d’autocensure : corps, pensée et action. L’État libanais garde la main sur les « masses corporelles » et détruit tout commencement de liberté qui peut amener à la révolution ou à la remise en question du système. L’élimination du corps suffira-t-elle pour empêcher la propagation des idées progressistes et militantes défendues par des figures intellectuelles comme Khalil Naous, Souhail Tawila, Mahdi Amel, Hussein Mroué et d’autres ? Depuis mon enfance, je me questionnais à propos de la raison pour laquelle les idées progressistes de mon grand-père ont provoqué la colère du régime dominant qui ont abouti à l’ordre d’exécution.

Peu après sa prise de fonction d’enseignant en Syrie (dans les années 1930), Hussein Mroué, (choisi pour participer à une campagne visant à diminuer l'influence de l'église protestante à Damas), a été licencié pour « propagation de l'hérésie et de l'athéisme à travers le corps étudiant ». Il a joué un rôle clé au sein du Parti Communiste Libanais (PCL), et a occupé un rôle actif et révolutionnaire, intellectuel et progressiste. Des rumeurs disent qu’un des voisins est l’un des trois criminels rentrés dans l’appartement ce jour-là.

Sans le vouloir, un pont se dessine entre mon enquête et la « contre-enquête » dont la légitimité dans un travail comme celui-ci peut être remis en question. Appréhender la pratique de l’enquête comme une « trajectoire » pourrait-il générer un processus par lequel « on fait remonter des données de terrain qui échappent au savoir institué » ? ( Caillet 30).

Je ne trouve aucun autre moyen pour repenser le passé pouvant représenter plutôt une réalité vécue. Une telle investigation ne peut être autorisée, tolérée au Liban et elle est considérée comme une remise en cause de la loi d’amnistie[7] qui protège les criminels de la guerre civile. Cette pratique me paraissant tellement évidente, même si assez complexe, creuse les coulisses de la guerre et des complots faits entre les différents partis politiques. Cette investigation recoupe ces faits sans être officielle car son contenant reste une supposition au regard du gouvernement. Elle n’a pour le moment aucune « suite officielle ». Mais, pour nous, lecteurs et lectrices ou spect-acteurs et spect-actrices[8], cette investigation reconstituée par la performance (et à travers l’article) reproduit un document-performatif[9] reconstituant les traces effacées. Elle devient un mode d’emploi, un témoignage, une trace, une archive-instantanée. Elle contribue à la réécriture d’un passé enterré.

I.1. L’histoire des « forces obscures » sous un angle artistique

Je me plonge donc dans une recherche approfondie sur l’histoire de ma famille et sur l’histoire complexe des guerres entre voisins (parfois même de la même confession), à travers une approche artistique. Une autre question m’obsède depuis mon enfance : « Pourquoi le parti communiste n'avait-il pas insisté à trouver les assassins de ces multiples crimes et qu’avaient-ils vraiment fait à l’égard de ces actes violents ? » Je ne commence à avoir des réponses ou des scénarios probables que durant mes entretiens avec les membres de la famille et aussi les témoins anonymes membres du PCL. Pourquoi avons-nous toujours évité de désigner les coupables alors que nous les connaissions ?

En effet, au Liban il y a une expression pour contourner l’accusation nominale on parle de « forces obscures » (al kiwa al zalamiya) ou bien des « chauves-souris » (khafafich al layl)[10], « quelque chose » d’assez défini qui désigne l’ennemi d’une manière floue et obscure. Pour ma part, je refuse désormais d’utiliser cette expression appartenant aujourd’hui au langage culturel et traditionnel libanais. Car en effet, les articles publiés pendant la guerre civile (1975-1989) démontrent le début de l’apparition et de l’utilisation de cette dénomination « forces obscures » au Liban. Je constate qu’entre février[11] et mai 1987, les journaux ont autorisé la désignation des coupables de ces assassinats. Une modification des éléments de langage, d’exposition des faits est observée par la suite. Les lecteurs se confrontent rapidement à un silence « imposé ». Selon les témoignages (anonymes mentionnés dans ma performance Si vis pacem, si tu veux la paix…), le parti communiste a été menacé suite à l’assassinat afin qu’il arrête de mentionner le nom du parti Amal ou Hezbollah et celui de Hussein Mroué dans le même article[12]. Cette période marque le début de l’opération politique de la propagande du « silence » et de la « peur » qui devient progressivement un mécanisme social. Siham Nasser[13], à propos de son œuvre la plus célèbre La poche secrète (Al-Jaïb Al Sirr 1992), apporte à cet égard cette précision : « Nous vivons dans une époque de peur de tout, et notre première peur est de parler »[14]. Je tiens à rappeler que la presse au Liban a obéi aux ordres donnés par leurs responsables respectifs. Et comme le dit Georges Bataille « une conscience sans scandale est une conscience aliénée » (La Littérature et le mal, 1957). Dans notre cas, cette citation explique la perte de la maîtrise de sa propre conscience, au profit du pouvoir politique au Liban.

Mon enquête a pris toutes les formes possibles : imaginée, rédigée, jouée, « re-jouée »[15], « dé-jouée »[16], dansée, témoignée, documentée, publiée et partagée… Si vis pacem, Si tu veux la paix… est le résultat de toutes ces étapes de travail. Cette performance reconstitue et partage avec les spect-acteurs et les spect-actrices, mon investigation et donc la description de la phase de la création de la performance. De fait, Caillet nous rappelle les paroles de Jean-Pierre Cometti[17] à propos de l’enquête pragmatique. Cormetti donne beaucoup d’importance au regard et à l’interaction des acteur-ices de la communauté face aux résultats d’une enquête. C’est pour ces mêmes raisons que je choisis de remplacer la notion de spectateur par spect-acteur ou spect-actrice, tout en rappelant sa place en tant qu’acteur et actrice responsable « émancipé-e[18] ».

Nous, artistes-enquêtrices-eurs, comment pouvons-nous changer, penser, réécrire et reconstituer une histoire « sombre » ? Comment cette pratique peut-elle devenir un savoir-être, un savoir-vivre et finalement un « savoir-agir », une notion qui différencie le sociologue de l’artiste créatif :

 

« La créativité est ce qui définit par excellence le bon enquêteur. Celle-ci ne relève pas d’une compétence- innée ou acquise, peu importe - ce que l’individu possèderait et qui établirait une ligne de partage, plus ou moins définitive, entre les « créatifs » et les « non-créatifs », mais de l’agir. Elle ne s’appuie pas sur un savoir-faire (techné) mais un savoir-être ou savoir-agir (hexis). » ( Caillet, p.85)

 

I.2. De la planque au Forensic[19] : le sommet d’une performance

En 2016, je décide de me rapprocher progressivement du lieu du crime où j’ai habité pendant trente-trois ans. Je rentre donc au Liban, à Beyrouth. Je guette le quartier. J’observe de loin notre immeuble dans lequel mon grand-père a été assassiné.

Suis-je sur le bon chemin ?  Évidemment, je n’ai en aucun cas prémédité, un « schème conceptuel » à cette pratique observatoire :

 

« Il est possible que le travail de l’observation soit si bien contrôlé par un schème conceptuel fixé d’avance que les choses même dont l’importance est capitale pour résoudre le problème en question passent complètement inaperçues. »[20] (Caillet, p.59-62)

 

J’ai souvent suivi mon intuition dans cette investigation. On m’a reproché auparavant de ne pas avoir préparé un plan, un ordre de travail, un calendrier ou une maquette. La réussite d’une enquête, selon Caillet, dépend de la « pertinence des actions engagées et de leur adéquation avec la situation, et non du fait qu’elle soit conduite avec ordre et méthode ». Par contre, je serais incapable de partager son avis lorsqu’elle rajoute que le « modèle pragmatiste de l’enquêteur est fondamentalement non académique » (64), car c’est justement ce modèle qui m’a aidé à rédiger ma thèse et faire le pont entre la recherche et l’art. Remettre en question le modèle académique à suivre pour une recherche en art est un des points problématiques dans mon travail. L’art de l’enquête, parce qu’il parle avec « pudeur et délicatesse de ceux que la société rejette dans ses marges » (p.75), paraît comme le seul moyen de partager en public les détails de ces investigations non préméditées à travers ma recherche et la performance. Caillet rajoute en défendant cette pratique observatoire non préméditée qu’ « observer intelligemment, c’est appréhender dans les deux sens du terme, prendre ce qui arrive et être en alerte devant ce qui va se produire » (60). Être en état d’alerte constant de ce qui va ou qui peut se produire est ce point crucial de ma recherche. J’étais en posture d’alerte constante. Le corps et le document deviennent des archives vivantes, instantanées témoignant de la trace. Ce qui devient précieux dans ce travail de recherche n’est pas de retrouver le coupable mais plutôt de traquer la ou les traces comme si je guettais une proie. Qu’avais-je négligé ?

 

Progressivement, je comprends que l’enquête en soi est un art, c’est la forme que prendra ma performance :  je me mettrai sur scène et je témoignerai, je raconterai toutes mes découvertes, les étapes de recherches, les émotions ressenties, les moments difficiles et surtout ma posture de corps. Comment témoigner avec mon corps tous ces détails ?

Retournons au mois de mai 2016. Je suis donc à Beyrouth. Je prépare le terrain comme le soldat prépare la bataille. Je n’ose pas encore en parler avec ma famille, sortir de cet angle sécurisé. Je ramène ma vieille caméra. Je cours, je m’éloigne, je prends de la distance afin de me rapprocher le plus possible. Je simule une « planque » autour de l’immeuble, comme si quelque chose allait arriver. Je remarque que mon corps se transforme. Ma posture mon attitude, mon calme, ma rage, mon impatience, mes craintes et ma curiosité se reflètent désormais à travers mes mouvements. Je descends. Je traverse la rue. Je discute avec le concierge de l’immeuble d’en face. Il m’autorise à monter dans un appartement abandonné au dernier étage. Je sors sur le balcon. Je me mets à distance, dans cette position tantôt assise ou accroupie, tantôt debout, dans une posture érigée. Je suis dans une position inhabituelle mais confortable. Mes déplacements définissent ma trajectoire, ma stratégie dans un moment instantané. Je passe des heures à filmer ce fameux immeuble avec ses balcons circulaires (nous l’appelons l’immeuble en « rond » ou le carton d’oeufs, fig.1), situé dans le quartier de Ramlet el Baida à Beyrouth. Nommé Koujak-Jaber, il a été construit en 1967 par l’architecte palestino-jordanien, Victor Hanna Bisharat.

 

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Fig.  SEQ Figure \* ARABIC 1- Vue de l’immeuble Koujak-Jaber à partir de l’immeuble en face. ©Lara Mroué

 

 

 

Ce processus me permet d’observer cet immeuble situé aujourd’hui à quelques mètres du palais de Nabih Berri (le chef du Parti Amal). Il est entouré, depuis la guerre civile, par plusieurs points de contrôle de l’armée libanaise. De l’autre côté, vers l’UNESCO, se trouve aussi une résidence de l’armée libanaise. Dans les années 1980, il a eu plusieurs zones de contrôles autour de l’immeuble, situé dans la rue Farid Trad. Après avoir mené mes investigations avec les voisin-es du quartier, je repère une zone de contrôle appartenant aux observateurs du renseignement syriens. La décomposition géopolitique de l’espace urbain fait partie de cette réflexion. 

Je reviens en 2017, sur les lieux du crime, encore une fois, pour travailler in situ dans l’appartement, imaginer des scénarios, produire des documents, des mouvements et chercher des témoignages (les voisin-es ou les membres de la famille). J’essaie d’enregistrer le témoignage de mon père qui n’a jamais parlé de ce sujet et ne parlera pas. Je le filme. Mais si mon père ne veut pas parler, qui parlera alors ? Je me sens lancée dans une quête en vain.

Quelques jours après, à la vue des captations, le silence de mon père a été tellement chargé et intense que j’ai été troublée et de fait plus déterminée à continuer mes recherches.

Suite au décès de ma mère, mon père, ma sœur et moi, résidant aujourd’hui majoritairement tous-tes à l’étranger, nous décidons d’abandonner cet appartement en octobre 2020, trente-trois ans après le crime, pour des raisons financières liées à la révolution de 2019 et la crise économique. Je propose une visite à mes cousins que nous nommons « Visite d’adieu » dans l’invitation envoyée à des personnes privées. Cette visite était censée partager les témoignages faits par mes cousins et des souvenirs reliés à l’appartement. Grâce à cette décision de départ, mes cousins et moi, avons retrouvé une preuve tangible, plutôt une trace qui nous renvoie à l’assassinat, justement la veille de la « visite d’adieu » durant laquelle nous présentons cette trace aux invités. Cette trace, dévoilée dans la performance, est retrouvée grâce à la « serendipité [21]» et à l’intuition[22], deux notions qui, selon Caillet, se complètent et mobilisent les connaissances antérieures et les formes d’intelligence. Elle reprend la théorie de Ginzburg qui synthétise que la « serendipité » prépare le-a chercheur-se à réagir face à l’inattendu. Cette notion invite des éléments impondérables, comme l’intuition, à être agent principale dans les opérations de l’enquêtrice-eur détective-if. Cette proposition contribue à nous éloigner de la logique rationnelle (sans pour autant abandonner la raison). Effectivement, ces notions m’ont aidé à appréhender des situations singulières durant l’enquête. Proposant d’autres méthodes (que celles purement académiques), elles modèlent un savoir-pratique, une forme d’intelligence rebelle qui servent à la force créatrice et au travail de l’artiste.

À ce moment, la trace devient empreinte. L’investigation se transforme alors en forensic qui à son tour se base sur les preuves judiciaires, qui seront des éléments essentiels de ma performance et thèse. Un grand artiste enquêteur comme Eyal Weizman contribue à travers ses travaux forensic à établir des preuves et de la justice. Je rappelle que Weizman a élaboré en 2020 une investigation sur l’explosion de Beyrouth le 4 aout 2020[23] qui a contribué à la progression du procès international.

Après avoir joué à la détective à plusieurs reprises, je réussis à suivre plusieurs fils utilisés pour ma thèse et ma performance. Malheureusement, parfois quand ces informations sont collectées dans des structures publiques gérées par les chefs politiques (concernés par l’assassinat), j’ai dû utiliser mon passeport français, par prudence, pour éviter qu’on repère mon identité (confession, famille ou origines). Évidemment, j’ai été confrontée comme chaque fois aux mêmes questions : Que faire avec cette information ? Jusqu’où puis-je aller avec ? Ces informations m’appartiennent-elles ? Je saisis ce que reprend Caillet (33), convaincue à son tour par la thèse de Tim Ingold que l’acte de connaissance « n’est pas apprendre », ni « apprendre à apprendre »[24], c’est plutôt un « paradigme » qui consiste en un « processus » du fait d’enquêter « activement » et de se mettre en mouvement sur le sujet que nous cherchons à comprendre ou à connaître. C’est de là qu’« enquête » et « contre-enquête », malgré toutes leurs différences sociologiques, se croisent au bout d’un seul sommet que je désignerai par « la performance ». C’est le seul espace dans lequel le-a théoricien-ne, le-a praticien-nne, l’enquêtrice-eur, la-e chercheuse-eur et le-a militant-e repensent au « je », à plusieurs je-ux. C’est l’espace dans lequel le ou la meilleur.e anthropologue qui soit est l’artiste-enquêtrice-eur, comme nous le rappelle Caillet à travers les paroles d’Ingold « Ce n’est pas parmi les anthropologues que l’on trouve le plus de praticiens de l’art de l’enquête, mais parmi les artistes en exercice »[25]. De toute façon dans un pays tel que le Liban nous n’avons pas d’autres choix. L’artiste ne choisit pas volontairement cette pratique. Plutôt l’inverse, la pratique le retrouve et s’offre devant lui comme un dispositif de création. Elle devient un mode de vie, un rituel, une expression de résistance.

 

 

II. Lutter contre la culture du déni

Une fois arrivée, je découvre enfin ce sommet. Je pose les pieds. Je m’accroche et je n’abandonne plus le navire. Sur ce sommet je reste suspendue, même épinglée et je regarde au loin. J’observe un espace vierge, inexploré, celui d’une justice imaginée et probable.

II.1. Une justice transitionnelle à travers un geste artistique

Dans la rencontre qui a suivi la sortie d’une résidence artistique, le 23 novembre 2021, à Hammana Artist House au Liban, une dame intervient et me demande si j’allais pardonner un jour les coupables de l’assassinat. Je lui confirme que le but n’est pas le pardon mais la responsabilisation, la confrontation. Le but est de trouver une sorte de justice pour pouvoir continuer et imaginer une forme du futur. Paul Ricœur affirme : « C’est la justice qui, extrayant des souvenirs traumatisants leur valeur exemplaire, retourne la mémoire en projet ; et c’est ce même projet de justice qui donne au devoir de mémoire la forme du futur et de l’impératif » (Ricœur 107).

 

La performance peut-elle engendrer une sorte de justice transitionnelle étudiant les notions de la responsabilité et de la réparation ? L’ONU déclare à travers un texte français de Louis Joinet[26], en 1997, que la justice transitionnelle se fonde sur un processus de « recherche de la vérité » qui fait référence à la manière dont les pays sortant de périodes de conflit traitent des violations aux droits de l'homme. Ils adoptent souvent la loi d’amnistie comme solution pour élaborer un plan de paix. En ce qui concerne le Liban en tout cas, nous observons aujourd’hui les dégâts de cet échec scandaleux de la loi d’amnistie que Monica Borgmann et Lokman Slim ont bien critiqué dans leur article[27]. La justice transitionnelle vise la réparation de ces violations prenant diverses formes : individuelles, collectives, matérielles et symboliques. Elle propose aussi des réformes de lois et d’institutions y compris police, justice, armée et renseignement[28]. Ces violations sont si nombreuses et si graves que le système judiciaire normal n’est pas en mesure d'apporter une réponse adéquate. Je ne cherche pas à poursuivre en justice les responsables, trente-trois ans après le crime, dans le sens juridique du terme. Je me demande plutôt si un tel espace performatif est en mesure d’établir ce moment d’équilibre, une sorte de lutte contre la culture du déni, pour envisager un passage possible vers autre chose, vers un ailleurs où l’on retrouve une justice exceptionnelle et temporelle. Si ces espaces performatifs se démocratisent au Liban, peut-être pourrions-nous, un jour, impliquer une plus grande part de la population et lutter contre la culture du déni ? Arrêtons d’essayer de retrouver la ou les vérités considérée-s par Eyal Weizman comme une autre forme de diffusion de la politique de propagande et de la censure. C’est aussi une sorte de déni :

« …cette forme de déni vient compléter le rôle traditionnel de la propagande et de la censure. Elle est aussi une forme de propagande dans la mesure où elle relève d’énoncés diffusés par les États afin d’influencer la pensée et le comportement des divers publics ».(Weizman, p.150)

 

Weizman continue en expliquant que la vérité ou ce qu’il nomme plutôt « post-vérité » ne fait « qu’augmenter le volume du bruit parasite dans une manœuvre délibérée pour détourner l’attention » et qui cherche à « masquer plutôt qu’à révéler l’information » ainsi que « brouiller la perception afin que plus personne ne sache plus distinguer le vrai du faux » :

 

« … en effet, à partir du moment où les gens ne savent plus quoi penser, comment établir les faits ou dans quel cas leur faire confiance, les dirigeants ont les mains complètement libres pour combler ce vide à leur guise ». (Weizman, p.151)

 

Ainsi toutes les déclarations faites par les partis politiques suite à chaque assassinat ne font que confondre l’opinion publique. Toutes les informations avancées pendant la guerre civile au Liban, travaillent sur la « négation » des crimes de guerre. Eyal Weizman suggère que la « négation » est une forme de violence (Weizman, p.152). Il donne l’exemple de la « négation » de la Nakba (l’expulsion des Palestiniens de leurs maisons et terres de 1948 par l’État d’Israël colonisant les terres de la Palestine). Peut-être devrions-nous arrêter de faire confiance aux chefs politiques et remettre en question tout ce que nous croyons savoir, comme Weizman rajoute :

 

« L’excès de confiance pourrait amener à accepter facilement les faits. Il faut adopter une approche critique si l’on entend déchiffrer les circonstances et les modalités de formulation des énoncés officiels et en identifier les incohérences et les lacunes. Lorsque nous comprenons comment les faits sont construits, où se situent leurs faiblesses et quelles sont les limites de ce qui peut être énoncé, nous pouvons mieux établir et défendre ces faits. » (Weizman, p.154)

 

Si nous optons pour l’utilisation de cette vérification, nous explorerons de nouvelles méthodes de remise en question du système informatif. Weizman désigne cette notion, qui dans le domaine journalistique, invalide ou confirme le discours institutionnel et politique, par la « vérification ouverte » (158). Ce concept aidant à produire des preuves factuelles rend le spect-acteur ou la sepct-actrice un-e acteur-rice des relations sociales. Iel devient témoin tout en contribuant à la réalisation de cette vérification. A propos des procédures de « vérification ouverte », Weizman explique :

 

« Elles reposent sur la création d’une communauté de pratiques qui socialise la production de l’enquête et sur une interaction entre les personnes qui subissent la violence, les activistes qui prennent leur parti et un réseau diffus d’enquêteurs open source, de scientifiques et d’autres experts explorant ce qui s’est passé. La présentation des preuves doit elle aussi être socialisée en mobilisant à la fois des avocats, des journalistes et parfois –c’est notre cas- des institutions qui aident à financer, produire et exposer le travail accompli. De cette manière, le processus ouvert de l’enquête établit un contrat social qui inclut tous les participants à cet assemblage insolite de production et de diffusion. Chaque cas établi par le biais de la vérification ouverte est donc non seulement une preuve de ce qui s’est passé, mais aussi un témoin des relations sociales qui ont rendu cette vérification possible. » (Weizman, p.158)

 

 

Ainsi Weizman trouve le moyen de faire rupture avec la pratique de la vérité institutionnalisée et tente de gagner la confiance du spect-acteur et spect-actrice par l’élaboration des procédures de vérification ouverte qualifiées de transparentes, démocratiques et communiquées avec tous les détails liés à l’enquête : matériels, circonstances, preuves, témoins, etc.

En pratiquant la « vérification ouverte » et en partant des pratiques forensics, je m’entraîne à me détacher de la vérité institutionnalisée depuis plus de cinquante ans par les chefs politiques. En filmant toutes mes découvertes, mes discussions, mes observations, j’enregistre non seulement les documents mais aussi les interactions et les témoignages récoltés. Donc la vidéo que je produis me sert aussi comme preuve. En présentant tout ce matériel devant le public durant la performance Si vis pacem, si tu veux la paix…, je rends donc ces preuves produites politiques. Je défie le système du silence et de la peur. J’ajouterais aux notions « l’image, la vidéo, le texte et le son » listées par Weizman[29] dans la procédure de « vérification ouverte », celle du corps ou encore celle de la posture de l’artiste. Le corps de l’enquêtrice-eur-artiste devient sociopolitique mais aussi biopolitique[30]. Cette posture contribue à rendre au citoyen ce statut de « pluralité » banni par le gouvernement. Hannah Arendt parle également de rendre le pouvoir public aux citoyens pour passer du « faire » à l’« agir » (Arendt, p.283-295). Le gouvernement libanais donne le pouvoir décisionnaire à une seule personne, ou encore plus précisément à un ou deux partis, pour gérer le pays et empêcher cette force « d’agir » d’affecter les citoyens. Il remplace l’agir par le faire et détruit toute notion de démocratie dans le pays qui peut être propulsée par la « pluralité » et le « domaine public ». Arendt rappelle :

 

« Le moyen le plus simple de se protéger contre les dangers de la pluralité est la mon-archie, l’autorité d’un seul, dans ses nombreuses variétés, depuis la franche tyrannie d’un homme dressé contre tous, jusqu’au despotisme bienveillant et à ces sortes de démocratie dans lesquelles le plus grand nombre forme un corps collectif, le peuple étant ‘plusieurs en un’ et se constituant en ‘monarque’. » (Arendt, p.284-285)

 

Alors, le Liban choisit la tyrannie comme solution pour contrôler l’« agir » des citoyens. Les chefs politiques les appâtent avec la promesse d'un avenir meilleur et leur offrent des services qui semblent résoudre leurs problèmes économiques et financiers. Ces solutions ne sont que éphémères et temporaires. Hannah Arendt rajoute que le citoyen séduit par ce pouvoir lui offrant un faux confort et stabilité ne se préoccupe plus des affaires communes et collectives:

 

« Mais ils ont tous en commun le bannissement des citoyens que l’on proscrit du domaine public en leur répétant de s’occuper de leurs besognes privées pendant que seul le  ‘souverain prendra soin des affaires publiques’ (…) c’est des avantages immédiats de la tyrannie, des avantages évidents de stabilité, de sécurité, de productivité, qu’il faut se méfier, ne serait-ce que parce qu’ils préparent une inévitable perte de puissance, même si le désastre ne doit se produire que dans un avenir relativement éloigné. » (Arendt, p.284-285)

 

Le-a Libanais-e se trouve dans la résilience. Il ou elle délègue toutes ses affaires publiques au gouvernement corrompu. C’est ainsi qu’Arendt analyse cette philosophie politique, déjà évoquée par Platon et Aristote, comme une fuite de la part du citoyen de sa propre fragilité. En souhaitant se réfugier dans la solidité, le calme et l’ordre (Arendt, p.285), il oublie que ces éléments ont une durée limitée. Le calme ne cessera t-il pas de fonctionner un jour ? La révolution d’octobre 2019 et le réveil des citoyen-nes libanais-e-s démontrent que le calme ou le silence au sein d’une société n’est pas un phénomène constant. Les citoyen-nes décident enfin de montrer leur colère et d’« agir ». Ils sortent dans les rues et se révoltent contre le système régnant. Ils animent et élaborent de diverses actions politiques et culturelles tout au long de la révolution. Ils sensibilisent les uns et les autres à l’action.

La posture d’artiste proposée responsabilise le citoyen et l’émancipe afin de se réapproprier son droit à l’action.

II.2. L’hybridation des frontières : le rituel d’un biocorps

Cette performance constitue un document performatif réenacté à partir du matériel collecté ou produit : souvenirs, témoignages, utilisation des sens (odeurs, goûts...). Ce travail in situ a été un moment précieux dévoilant de nouveaux témoins. Il m’a confronté à différents états : prudence, enthousiasme, peur, déception, colère, aveuglement, surprise, recul, silence. Ma sortie du silence était une liberté conditionnelle oscillant entre les notions de courage, de peur, de persévérance et d’abandon. Si ces sensations deviennent une ligne directrice dans le travail, influencent-elles notre comportement, nos réactions ou nos mouvements ? Aboutiront-elles à la ritualisation d’un corps-performatif ? Et si créer s’avère être le fait de vivre plusieurs fois un événement de manières contradictoires et aliénées tout en questionnant le passé, repensant le présent et imaginant le futur ? (Référence à Albert Camus Le mythe de Sisyphe, 1942).

Je m’autorise aujourd’hui à sortir de ma planque et conquérir de nouveaux territoires hybrides qui croisent et opposent le physique, l’émotionnel, le géographique aussi bien que le politique, tout en perturbant l’identité de l’artiste et de l’enquêteur-ice. Ce statut donne droit à tous et toutes d’accéder à la ou aux vérités probables, c’est-à-dire sous un angle exploratoire et expérimental. Pour ce, Caillet parle de la démocratisation de l’enquête comme un « modèle pragmatique ». Que devient le statut d’artiste-performeur-se au Liban et que devient celui du spect-acteur ou de spect-actrice ? Caillet explique :

 

« …la participation des acteurs sociaux à la production des connaissances, leur accordant une place théorique en tant qu’interprètes du monde qui les entoure, et met par conséquent en œuvre des méthodes à même de donner priorité à leurs points de vue. Cette ouverture aux représentations que se font eux-mêmes les acteurs, implique enfin un travail de recherche dans les archives, et d’étude de tout document susceptible de refléter la vie sociale. » (Caillet, p.58)

 

En brisant le silence qui mine le terrain politique libanais depuis des années, je transforme mon enquête en un dispositif artistique qui me sert à trouver les différentes vérités, souvent contradictoires ou en désaccords, liées à mon enquête. En partageant ces découvertes avec le spect-acteur-rice, je le et la responsabilise. Devient-il, elle, un-e acteur-ice social-e produisant des informations et des documents ? Nous jouons, tous et toutes, désormais plusieurs rôles.

Je ne me contente pas de jouer un double rôle dans un pays tel le Liban. Je me trouve plutôt dans un phénomène aliénant et contradictoire de « multiplicité - individuelle ». Il existe des manières « hétérogènes et superposées » d’être « un » et une multiplicité de manières de les réaliser (James 128). Afin d’explorer tous les moyens possibles et suivre les fils « fins » présentés devant moi, je suis obligée de me produire et me reproduire en plusieurs je-ux tout en questionnant la méthode (et non le sujet ou l’objet). Ces chercheurs et chercheuses « activent » aujourd’hui des enquêtes dans le champ artistique dans une perspective « réflexive-critique » (Caillet p.17). C’est une manière de résister qui sert aujourd’hui aux artistes au Liban. Ce qui explique le recours à la « dispute des scenarios »[31] dans la pratique du reenactment. Les artistes arrêtent « de lisser et harmoniser le social » (Caillet, p.42-43). Le je-u semblant devenir un moyen de défier le système politique corrompu, contribue à la réécriture de l’histoire par le peuple (dont l’artiste fait partie). Cette multiplicité-individuelle permet-elle de remettre en question ce que Samir Kassir[32] désigne comme la « polarisation » (Kassir, p.582) de la structure sociale et spatiale du Liban ?

L’espace scénique, les rues du Liban, évoluent d’une manière empirique mais aussi géographique. Je ne parle pas seulement de la question de l’accent qui selon Kassir n’a pas comme origine les appartenances communautaires mais plutôt la localisation géographique (Kassir, p.584). Je parle d’une sorte de rituel instauré traduisant l’interaction entre le corps et l’espace.  Ce rituel est omniprésent dans la performance Inhabitants of images[33] (2009) de Rabih Mroué. Nous y observons un « rituel » qui ne m’avait jamais intriguée, toute jeune, avant mon départ du Liban. Je parle de l’espace public saturé de soldats morts, des religieux morts pour leurs causes, de « martyr –vivant » (martyr combattant pour la cause au Liban). Quand on vit au Liban on grandit avec les photos des martyrs dans la rue. Nous ne questionnons pas leur présence. Pour nous, les Libanais-es, c’est normal. De la même manière, celui qui vient de l’étranger ne se pose pas forcément la question de l’identité de ces personnes sur les portraits. En effet, si personne ne lui explique ou s’il ne sait pas lire l’Arabe, il ne devinera peut-être pas l’usage fait de ces affiches par les communautés religieuses et leur impact dans la société. Cette sorte de propagande occupe l’imaginaire des gens. Est-ce que penser une appartenance à un lieu peut être définie par ce rapport de l’espace, des décors au corps ? Je remets en question cette appartenance, de plus en plus consciente du rôle de l’artiste qui pense la mémoire d’un pays fracturé comme le Liban. C’est un pays construit par le passage de plusieurs civilisations et cultures étrangères. Ses étudiant-e-s, artistes, travailleur-se-s et réfugié-e-s ont multiplié la diaspora dans le monde. Tout cela a transformé le pays et l’a éparpillé en plusieurs petits Liban. Ce n’est ni le Houmous, ni le Taboulé, ni l’hymne national qui me rendent libanaise. Qu’est-ce qui me rend libanaise et me définit en tant qu’artiste franco-libanaise ? Cette remise en question de l’appartenance fait suite à l’enquête et au statut de l’artiste-enquêtrice-eur qui dépasse les frontières géographiques et politiques. Ce statut m’a permis de briser les barrières et les barrages culturels et m’a ouvert un espace propice à la discussion, à la réflexion collective. Cet espace, cette histoire personnelle, n’est plus la mienne. Elle appartient aujourd’hui aux autres. Le privé et l’intime devient public et collectif. Partagée, écoutée, touchée, vue et lue par des spect-acteurs et des spect-actrices, cette archive instantanée dépasse les passerelles géographiques, identitaires, artistiques et culturelles.

 

Conclusion

Le meurtrier, même si nous le connaissons, demeure « inconnu »

 

Le but d’un tel travail est de sensibiliser la plus grande partie de la population à réfléchir à travers l’art et à explorer les espaces alternatifs offrant la possibilité de rompre avec les lois et les frontières imposées par le gouvernement libanais. Rappelons-nous du fait que nous venons d’un pays dans lequel le meurtrier, même si nous le connaissons, demeure « inconnu ». Un tel travail ne consiste pas à retrouver le meurtrier mais à élaborer différents moyens pour pouvoir survivre tout en sachant que le meurtrier respire parmi nous. Il fait partie de notre structure sociale et ne sera pas puni, en tout cas pas pour le moment, étant protégé par la loi d’amnistie et par le peuple aveuglé par le pouvoir religieux et politique de ces coupables. Ne serait-il pas plus tentant de changer la racine de l’arbre malade que de couper ses branches ? Brisons le silence avec nos statuts d’artistes-enquêteurs-rices.

Si Vis Pacem, si tu veux la paix…, prends ta plume et entre dans la danse !

[1] Hussein Mroué est né au Liban en 1910 et assassiné le 17 février 1987 à Beyrouth. C’était un intellectuel, journaliste, auteur et critique littéraire libanais. Jusqu'à l'âge adulte, il a été formé pour être un cheikh et ainsi il a étudié au Najaf en Irak les sciences religieuses. Quelques années plus tard, il s'est converti au marxisme ce qui a conduit à son expulsion d'Irak. Il rentre donc au Liban et rejoint le communisme. Son ouvrage le plus long et le plus célèbre, Tendances matérialistes dans la philosophie arabo-islamique (2 vol., 1979)، était une interprétation marxiste des textes arabes traditionnels et patrimoniaux.

[2] Cette notion de « reenactment » peut désigner différentes actions comme jouer à nouveau, refaire les mouvements, recréer un événement historique traumatisant (ou encore réactiver une œuvre du passé). À voir l'article d'Aline Caillet « Le re-enactment : refaire, rejouer ou répéter l’histoire ? », Marges, no 17, 2013, p. 67.

[3] Témoignage de Hannaa Mroué, sa fille, dans la performance Si vis pacem, Si tu veux la paix… de Lara Mroué.

[4] Mroue, Hussein, Les tendances matérialistes dans la philosophie arabo-islamique, en langue arabe), vol.1 et 2, Beyrouth, éd. Dār al-Fārābī-ANEP, 2002, 583 p.

[5] « Après la création du terme intermedia par l’artiste Jack Higgins au sein de son groupe Fluxus en 1965, Jürgen Müller, dans son essai Intermedialität, Formen moderner kultureller Kommunikation (1996), fut l’un des premiers à théoriser l’intermédialité comme une mise en relation des médias, intégrant les questionnements et les principes propres à l’histoire de chacun de ceux-ci. » extrait de l’article L’art du reenactment chez Milo Rau, publié par Priscilla Wind dans Intermédialités, n°28-29, Automne 2016, Printemps 2017 https://doi.org/10.7202/1041080ar

[6] Caillet, Aline, L’art de l’enquête, savoirs pratiques et sciences sociales, éd. Mimésis, 2019, 200 p.

 

[7] À voir le rapport sur l’amnistie libanaise rédigé par le Centre CLDH à Mar Youssef, « Liban. Disparitions forcées et détentions au secret, La loi d’Amnistie en question », publié par le Centre Libanais des Droits Humains, Dora, Beyrouth, Liban, 21 février 2008.

[8] Je choisis de remplacer la notion de spectateur par spect-acteur en attribuant au spectateur le rôle d’acteur social

[9] Cette notion décrit le processus du passage de mon corps en tant que document qui reconstitue et performe mon histoire en une forme de témoignage.

[10] « Fakih dans une cérémonie d’enterrement : ‘les chauve-souris de la nuit sont derrière les assassinats qui sont dirigés contre le Parti Amal », Nabatieh, article paru dans le journal Al Safir, le 26 février 1987 p.3

[11] « Appeler les dirigeants de l'espoir à prendre conscience des risques. Le Parti communiste a mis en garde contre les raids, les enlèvements et les assassinats, et d'exposer les responsables », Al Nidaa, 19 février 1987, p.2 (s.a).

[12] Lire l'article « Il demande à Amal de cesser le feu-  Hawi : la solution c’est les discussions qui détermineront les bases de la relation entre les citoyens », article paru dans Al Nahar le 18 février 1987.

[13] Siham Nasser (1950-2019), artiste-dramaturge et enseignante à l'université libanaise, a reçu une reconnaissance spéciale pour sa pièce de 1992 La poche secrète, une adaptation du roman de l'écrivain algérien Rachid Boudjedra The Obstinate Snail. La pièce a remporté le premier prix du Festival international de théâtre expérimental du Caire. Les autres œuvres de Nasser comprennent Le mur, Media... Media, Jazz, etc.

[14] DAVIDAN, Edgar, «Ils sont venus, ils sont tous là pour Siham Nasser » article publié dans L’Orient le jour, rubrique Culture,  le 6 mai 2019.

[15] Caillet, Aline, « Le re-enactment : refaire, rejouer ou répéter l’histoire ? », Marges, no 17, 2013, p. 67

[16] Bénichou, Anne, Disputer son rôle dans l’histoire : le reenactment dans les pratiques et les institutions de l’art contemporain, conférence dans le cadre du colloque Reenactment, Reconstitution : refaire ou déjouer l’Histoire, centre culturel international de Cerisy, du 22 au 29 septembre 2018, sous la direction d'Estelle Doudet et Martial Poirson.

[17] Caillet, Aline dans L’art de l’enquête, 2019, p.61-62 cite Cormetti dans son ouvrage Qu’est-ce que le pragmatisme ?, 2010, p.286-298.

[18] Notion élaborée par Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, 2008

[19] Notion désignant les méthodes et les techniques d'investigation policière et judiciaire. Nous faisons référence au travail d'Eyal Weizman (à voir la bibliographie). Il y aura beaucoup moins de notes de bas de page une fois que vous aurez adopté la norme MLA, mais les explications en NDBP sont bienvenues. Il vaut mieux cependant faire des phrases complètes.

[20] Extrait emprunté par Aline Caillet à John Deway cité par Étienne Jay dans «Enquêter avec Deway sur la notion de compétence : et si comprendre éthique ne pouvait s’enseigner ? » dans Éthique publique, vol. XIX, n°1, 2017.)

 

[21] Caillet utilise cette notion dans son ouvrage (L’art de l’enquête, 2019, p.86) d’origine anglaise (serendipity) qui désigne l'intelligence à faire des découvertes imprévues, fruit du hasard, théorie suggérée par Carlo Ginzburg (qui a développé ses recherches sur le sujet de la trace dans Traces, art.cit., p.274).

[22] Aline Caillet cite Sylvie Catellin (L’art de l’enquête, 2019, p.88) qui définit l’intuition comme étant l’inspiration issue de l’expérience dans « L’abduction : une pratique de la découverte scientifique et littéraire », Hermès, La Revue, 2004/2, n°39, p.179-185.

[23] Forensic Architecture a été invité par Mada Masr à examiner des informations « open source », notamment des vidéos, des photographies et des documents, afin de fournir une chronologie et un modèle 3D précis pour aider à enquêter sur les événements de cette journée https://forensic-architecture.org/investigation/beirut-port-explosion

[24] Caillet se réfère aux paroles de Tim Ingold dans son ouvrage Making. Anthropology, Archeology, Art and Architecture, Oxon, Routledge, 2013, p.1

[25] Caillet se réfère dans L’art de l’enquête, p.35, aux paroles de Tim Ingold traduites en français dans son ouvrage Making. Anthropology, Archeology, Art and Architecture, Oxon, Routledge, 2013, p.29

[26] Un magistrat français qui a travaillé auprès du Comité de l’ONU.

[27] Article publié dans L’Orient le jour « Le nouvel échec de la loi d’amnistie », 06 juin 2020.

[28] Définition, présentation et exemples de la justice transitionnelle pratiquée dans le monde dans des régions comme l’Afrique du Sud, Sri Lanka, Chili, Argentine et d’autres à retrouver dans la Partie IV, "Justice transitionnelle et droits humains. Leurs apports pour le monde d’aujourd’hui" écrit par Hernando Valencia Villa, p. 299-314 dans La vulnérabilité du monde. Démocraties et violences à l’heure de la globalisation, de Leopoldo Múnera Ruiz et Matthieu de Nanteuil (dir.). Presses universitaires de Louvain, 2013, 341 p.

[29] Ibid., p. 160.

[30] Ce terme utilisé par Foucault vise la forme d'exercice du pouvoir sur la vie des individus, structuré par des appartenances culturelles, façonné et transformé par le pouvoir institutionnel. Nous retrouvons les essais explicitant cette notion dans « Les mailles du pouvoir », écrit par Foucault dans Dits et écrits, t. 2, Paris, Gallimard, 2001.

[31] Bénichou, Anne, Disputer son rôle dans l’histoire : le reenactment dans les pratiques et les institutions de l’art contemporain, conférence dans le cadre du colloque Reenactment, Reconstitution : refaire ou déjouer l’Histoire, centre culturel international de Cerisy, du 22 au 29 septembre 2018, sous la direction d'Estelle Doudet et Martial Poirson.

[32] Le journaliste libanais Samir Kassir réécrit une partie de l'histoire du Liban et est assassiné en 2005, juste après la publication de son ouvrage Histoire de Beyrouth.

[33] The Inhabitants of Images est à l'origine le titre d'une nouvelle de Mohamad Abi Samra, publiée en 2003. Cette oeuvre  de Rabih Mroué analyse en trois parties le mauvais usage des images à des fins politiques et idéologiques au Liban et au Moyen-Orient. Partant d'une affiche avec l'image d'une rencontre entre l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri (1944-2005) et l'ancien président égyptien Gamal Nasser (1918-1970), les images de l'œuvre critiquent les manipulations politiques des médias par des contre-récits d’un passé et d’un présent et d’un avenir incertains.

 

 

 

 

Biobibliographie

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Articles ou rapports sans auteur 

Article paru dans le journal Al Nidaa. le 19 février 1987, p.3 "Le parti communiste a pleuré son martyr Jihad Chiya, l’enterrement à Badghan s’est transformé en festival populaire national »., ( s.l.n.d., signature de l’article : Al Nidaa)

Article paru dans le journal Al Nidaa. le 22 février 1987, p1-4 "Assassinat du martyr Hani Zeineddine, parti communiste du Sud du Liban ». (s.l.n.d., signature de l’article : Al Nidaa)

Article paru dans le journal Al Nidaa. 18 février 1987, pp.1-4 « Hussein Mroué, le cheick de la culture et la pensée au Liban et dans le monde arabe, a été assassiné par les balles de l’ignorance, de l’hypocrisie et de la trahison. » ( s.l.n.d., signature de l’article : Al Nidaa)

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À propos de la rédactrice :

 

Lara Mroué est une chercheuse et performeuse franco-libanaise. Née à Berlin et originaire du Liban, elle réside en France depuis 2006 et obtient son doctorat en Arts plastiques (performance et corps) avec un label recherche et création artistique, de l'Université de la Sorbonne, Paris 1, en février 2022 : « Le corps comme document, une enquête sur un fait de guerre civile », sous la direction de Françoise Parfait. Suite à ses études supérieures en théâtre aux Beaux-arts au Liban, elle a continué en France ses études de master en Arts de Spectacles Chorégraphiques à Paris 8 et un master en gestion culturelle à l'IESA à Paris. Son parcours lui a permis de questionner les différentes représentations artistiques et politiques du corps en temps de guerre civile au Liban. Corps, politique et art sont liés, selon elle, d’une façon ou d’une autre, par une histoire personnelle qui pourrait être collective par le biais de la performance. Citons ses dernières créations : Ceci n’est pas un immeuble (2016), Installations corporelles (2017), Look again you might have missed a detail (2017), Le corps en tableau (2018), Je te vois (2019), Si Vis Pacem, Si tu veux la paix.... (2020-2023) et Unwalled-Démuré (en cours de création, 2023).

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